Haute-Gaspésie Du ski hors-piste hors pair !
Pascal Girard. «Haute-Gaspésie Du ski hors-piste hors pair!». GeoPleinAir. 2012, janvier.
Ras le bol des centres de ski : longues files d’attente, bruit des remonte-pentes, canons à neige et, partout, la foule! J’abhorre particulièrement les pistes damées, prévisibles, dépourvues de charme et so politically correct. Pourtant, j’adore skier. Plus besoin d’aller dans l’Ouest pour éviter tout ça : direction… la Haute-Gaspésie!
«Monter» en Haute-Gaspésie est déjà un plaisir en soi ; l’autoroute 20 se mute en route 132, les villes deviennent des villages, le fleuve se change en mer, les collines grimpent en montagnes et la neige tombe en poudreuse. Je quitte le littoral à L’Anse-Pleureuse pour le cœur de la péninsule montagneuse. La route prend de l’altitude, et le paysage, des allures alpines.
Murdochville affiche une mine alpine
Le ciel est déjà obscurci lorsque je gagne le petit village minier de Murdochville. Une éolienne illuminée m’observe, telle une gardienne des lieux, perchée au sommet du mont Miller. Murdochville a beaucoup changé depuis la fermeture de la mine en 2002. Témoin de l’exode de sa population et de la chute vertigineuse des valeurs immobilières, elle était vouée à devenir une ville fantôme. La ville subsiste malgré tout, surtout grâce à l’arrivée des parcs éoliens qui redonnent espoir en renforçant l’économie locale. Le potentiel récréotouristique, et ses promesses de retombées économiques, complète le tableau. On mise sur une valeur sûre : la quantité d’une neige de grande qualité qui y tombe chaque hiver. Imaginez plus de 7 m d’or blanc! Un paradis de la poudreuse qui a attiré Guillaume Molaison, guide de rivières à Gaspé. Découvrant une occasion de favoriser le tourisme d’aventure à Murdochville, il acquiert un complexe. L’auberge Chic-Chac voit ainsi le jour en 2006.
«Nous sommes bien loin d’un Banff ! lance Guillaume, mais on a tout le potentiel nécessaire, et il ne demande qu’à être développé.» Celui qu’on surnomme ici le «Che du ski» a surmonté bien des obstacles depuis la création de son auberge: «Je me bats pour la révolution du ski à Murdochville et dans l’est du Québec», m’explique-t-il avec un petit sourire en coin. Les banques ne voulaient pas accorder un prêt à une entreprise située dans une ville en voie de disparition. Malgré les difficultés, Guillaume s’adapte à ses clients, qui ne cessent de croître. Comme François Isabelle, client de l’auberge et télémarkeur, qui me dit: «Nous avons fait 14 descentes aujourd’hui, chu pu capable de marcher! Ici, c’est du all you can ski!» Depuis qu’il a découvert cet endroit il y a deux ans, ce Louperivois compte y revenir chaque année. Un couple de Montréalais est monté pour la fin de semaine, signe qu’il n’y a pas de prix – et pas de distances trop longues – pour les chasseurs de poudreuse. L’auberge Chic-Chac offre le service de remontée en motoneige, pour le ski hors-piste. Les puristes seront tout aussi ravis de pouvoir atteindre chacun de ces sommets en peau de phoque*!
Sauvage, la glisse!
Nous enfourchons des motoneiges pour nous enfoncer dans ce décor ouaté. À peine quelques minutes après avoir quitté l’auberge, nous voilà au sommet du mont Copper, preuve que le village est vraiment niché dans les montagnes. Les pistes ont été aménagées côté nord-est pour recevoir ledépôt de neige poussé par le vent du sud-ouest. Je me lance à travers les petits conifères enneigés, les spectres de la montagne dont la modeste taille en dit long sur la rudesse des conditions. Je les provoque en les frôlant à toute vitesse, alors que je dévale la piste sur ma planche. Mais voilà qu’une branche rebelle me frappe la cuisse droite et je culbute dans la poudreuse. Il faut se méfier des petites épinettes susceptibles!
Au sommet du mont du Porphyre, je contemple le panorama des monts Chic-Chocs, ces poids lourds du ski hors-piste de notre province; ils sont beaux, rudes et fiers. Une traverse nous conduit à une piste à découvert avec un dénivelé saisissant. D’un bond, je quitte la traverse et plonge. Je déchire le paysage avec ma planche. Je coupe, je trace, je tape de mon gant les petits conifères pour les titiller à nouveau. Le son que produit la neige en volant sous ma planche me fait doubler d’ardeur. C’est de la glisse sauvage!
Après quelques descentes sur ce terrain alpin, les motoneiges nous ramènent à l’auberge où d’autres skieurs, venant du mont York, nous rejoignent pour une soupe chaude. Nous échangeons nos histoires autour d’un café et de quelques biscuits. Nous sommes unanimes: Murdochville offre une qualité de descente digne des célèbres centres de ski de l’Ouest canadien.
Vallée Taconique, ski panoramique
Réfugié dans une imposante vallée millénaire, le sympathique village de Mont-Saint-Pierre s’impose en frontière entre l’estuaire du Saint-Laurent et les montagnes du parc national de la Gaspésie. La beauté est au menu et sa musique m’enchante. Dans la pénombre, j’entends les vagues chargées de gros blocs de glace se fracasser contre le littoral, le vent souffler entre les grands thuyas : une douce symphonie fait valser les flocons de neige. La journée de demain promet.
Cette chance de pouvoir skier dans pareil environnement, c’est à Giovanni Mancini qu’on la doit, un jeune Montréalais venu s’installer dans ce havre du deltaplane depuis plus de quatre ans. Un gars avec une trempe d’entrepreneur et de visionnaire qui ne se laisse pas intimider par de nouveaux défis, comme celui de redonner vie à la Vallée Taconique. Ce centre de ski, qui avait connu une brève existence vers la fin des années 1990, ouvre à nouveau ses portes, avec un ingénieux capitaine à la barre. C’est à croire que Giovanni a le vent dans les voiles ; depuis sa réouverture, il a déjà reçu plusieurs prix d’excellence.
Allons nous promener vers la p’tite maison dans la vallée
Je fais l’ascension de la montagne à l’intérieur d’un confortable catski BR-143, équipé d’une cabine chauffée et pourvue d’une chaîne stéréo. Les chenilles du mastodonte s’immobilisent au camp rustique juché au point culminant de la vallée, pour recueillir un petit groupe qui vient d’y passer la nuit. Ce chalet n’est pas seulement chaleureux, il est planté en prime devant un panorama spectaculaire. Je crois personnellement qu’il aurait sa place dans le top 10 des plus beaux spots pour retraités aventuriers du Québec. Quelle plus belle expérience de la montagne que celle d’y passer la nuit après une journée de ski?
La Vallée Taconique est la seule entreprise du genre à avoir accès à la montagne grâce au bail exclusif qui la lie au ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Moi qui fuis les foules, je me retrouve à partager 3 versants d’un domaine de plus de 370 acres avec 9 skieurs. C’est presque gênant!
Je m’élance sur la première piste depuis le balcon du chalet. Le dénivelé adéquat me permet d’atteindre la vitesse désirée pour flotter sur la poudreuse jusqu’à un sous-bois aux arbres majestueux, tels les piliers d’une cathédrale. Dans les virages, je garde mes distances avec ces pins gigantesques. Ce sont des colosses que je n’ose pas intimider. En bas de la vallée, chacun de mes partenaires de ski affiche un sourire béat en attendant le catski.
Durant la remontée, c’est le moment de vérifier les images qu’on a prises et d’ajuster notre équipement. Nous entreprenons d’autres descentes toutes aussi enivrantes avant la pause dîner au chalet. Giovanni nous sert un repas digne de ses origines italiennes, composé de petits pains fourrés, cuits sur le poêle à bois. Rasséréné par ce goûter et par le feu de bois, je pourrais passer le reste de la journée, rivé à ma chaise, à contempler la scène extérieure. Cependant, il ne serait pas convenable de ma part de laisser le versant nord muré dans sa solitude; je me dois de lui faire une petite visite.
Nous sautons à nouveau le balcon, direction la vallée, pour remonter vers le versant nord. Le guide nous indique les divers parcours qui nous garantiront des sueurs froides. Je ne suis pas déçu; cette piste verticale impose le respect. Chaque virage arrache plusieurs mottes de neige qui me dépassent en roulant. Je prétends m’arrêter pour filmer, lorsqu’en réalité j’ai grand besoin d’une pause; l’excuse du caméraman pour ne pas perdre la face… je confesse.
Assis, la caméra à la main, je reste un instant à contempler les montagnes dominant l’autre versant de la vallée. «Il y a des couloirs vraiment bien qu’on peut atteindre en peau de phoque de ce côté-là», me dit le guide comme s’il lisait dans mes pensées.
La journée tire à sa fin, nous sommes une poignée de gars à vouloir faire une dernière descente à la brunante. Je laisse mon équipement de caméra dans le catski; cette fois-ci, je n’aurai aucune excuse. Dans une volée de fine poudreuse, je me laisse glisser à une vitesse sans limites, sans contrainte. Totalement grisant!
Le BR-143 nous raccompagne tranquillement à Mont-Saint-Pierre. Le temps d’une bière, je somnole déjà au ronronnement du catski. L’été, j’étais déjà tombé en amour avec la Haute-Gaspésie pour ses innombrables rivières, ses douces plages et ses solides montagnes. Voilà que mon histoire d’amour reprend de la vigueur avec l’hiver et sa poudreuse légendaire.•
* En ski de randonnée, la «peau de phoque» désigne le revêtement collé à la semelle du ski pour l’empêcher de glisser en marche arrière.
Esprit coopératif
Depuis quatre ans, la Coopérative de solidarité de développement récréotouristique des Chic-Chocs se donne le mandat de développer le concept d’aménagement des montagnes de façon pérenne et responsable. Le travail (colossal) réalisé par la coop est totalement bénévole et soutenu à bout de bras par une gang de passionnés. On peut acheter une carte de membre et ainsi soutenir le développement éclairé et démocratisé de ce formidable domaine skiable,assurément le plus beau à l’est de l’Amérique du Nord. Les cinq entreprises membres, auprès desquelles on peut recueillir de l’information, sont Vertigo, l’auberge Chic-Chac, Vallée Taconique, Ski Chic-Chocs et Eskamer Aventure.
C’est l’heure de la Miller
Pour apprécier le hors-piste dans ce coin de pays, il faut être au minimum un skieur de calibre intermédiaire. Pour les moins téméraires, le centre de ski Mont-Miller offre des descentes pour tous les niveaux de glisseurs.
Munie de deux téléskis (t-bar), la station n’est peut-être pas riche en infrastructures, reste qu’elle est une des plus fortunées en ce qui a trait à la qualité de la neige. Les sous-bois, de style hors-piste, sont maintenant inscrits sur ma liste de favoris au Québec.
418 784-2908, 418 784-3604 ou www.skimontmiller.com
REPÈRES
Auberge Chic-Chac: 609, 7e Rue, Murdochville
Forfait d’une journée de catski tout compris (hébergement en auberge ou dans un ancien presbytère, en occupation simple, double, triple ou quadruple, et restauration): 300$. Autres forfaits offerts.
418 784-3883 ou www.chic-chac.ca
Vallée Taconique: 77, rue Pierre-Mercier, Mont-Saint-Pierre
Forfait de 2 jours de catski avec nuit en camp rustique: 599$ incluant le transport, le guide, les dîners et l’équipement de sécurité en montagne. Une journée de catski : 299$.
418 797-2177, 1 866 797-2177 ou www.valleetaconique.ca
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À considérer également, pour du ski hors-piste, avec ou sans guide, à bord d’un catski ou non:
Ski Chic-Chocs: 520, 1ère ave. O.,
Sainte-Anne-des-Monts
Catski, ski avec peaux d’ascension, raquette, formation en montagne, etc. Hébergement en auberge, dortoir, yourte ou au Gîte du Mont-Albert. Plusieurs forfaits disponibles.
418 763-3333 ou www.skichicchocs.com
Vertigo Aventures: 553 de la Vallée, Ste-Angèle-de-Mérici
Ski, télémark et planche à neige dans la réserve faunique de Matane. Forfait de base avec transport en motoneige au campement, hébergement en yourte ou tente prospecteur et guidage en ski : 470 $/jour pour 1-3 pers, 3 jours minimum.
418-775-1623 ou www.vertigo-aventures.com
Auberge de montagne des Chic-Chocs
Très confortable auberge de style rustique contemporain, isolée et accessible par chenillette, avec plusieurs activités dont le ski hors piste. Forfait 2 nuits en semaine en tout-inclus (repas, services, guides et équipement): 580 $ / pers., occup. double.
1 800 665-3091 ou www.sepaq.com/ct/amc
Parc national de la Gaspésie: 1981, route du Parc, Sainte-Anne-des-Monts (Centre de découvertes et de services)
Les secteurs du Champs de Mars (relativement accessible), des monts Logan (2 jours d’approche) et Sainte-Anne (où se rend Ski Chic-Chocs) sont hautement réputés pour le ski hors piste. Hébergement au Gîte du Mont-Albert (140 $ / pers. avec souper et déjeuner), mais aussi en chalet, en camp rustique, en refuge (notamment aux refuges des Mines Madeleine, en périphérie du parc de la Gaspésie) et en camping d’hiver (20 $ le site).
1 800 665-6527 ou www.sepaq.com/pq/gas
http://www.geopleinair.com/pleinair/haute-gaspesie-du-ski-hors-piste-hors-pair