La Vallée Taconique renaît
Florence Bourg. «La Vallée Taconique renaît». espaces. 2010, mai.
Ma planche est fixée sur mes pieds. Mon regard surplombe la vallée, bien au-delà des cimes blanches des pins. Plus bas, une généreuse couche de neige poudreuse attend que je fasse les premières traces de la journée. Je m’élance depuis la terrasse du refuge dans lequel je viens de passer la nuit. Me voilà repartie pour une autre grosse journée de plaisir! Ce ne sont ni les Alpes, ni les Rocheuses, mais le dénivelé est intéressant dans cette vallée de la Haute-Gaspésie.
Parcourir le littoral gaspésien l’hiver jusqu’à la limite où le Saint-Laurent devient l’océan, constitue une expérience intéressante en soi. En Haute-Gaspésie, le fleuve change de nom et devient « la mer ». Venue trouver une vallée montagneuse, je fais d’abord connaissance avec de grosses vagues lourdes de glace qui m’accompagnent le long de la route 132 jusqu’au mont Saint-Pierre, qui a donné son nom à un petit village de 200 âmes situé à ses pieds.
À l’approche du parc de la Gaspésie, face aux plages blanchies par la neige, se dressent soudainement des montagnes imposantes alors que la neige se met à tomber. Ça s’annonce bien cette escapade : le décor est féerique et l’harmonie entre mer et montagne est parfaite.
Tel un volcan endormi, la vallée Taconique se réveille après quelques années de repos avec l’ambition de devenir l’un des plus beaux centres de ski haute-route dans l’est de l’Amérique du Nord. À l’origine du nouveau projet se trouve Giovanni Mancini, un jeune entrepreneur montréalais qui a jeté l’ancre au mont Saint-Pierre. Un coin qu’il connaît bien puisqu’il y a passé tous ses étés en famille. Durant les deux dernières années, il a examiné les moyens d’exploiter le potentiel touristique du coin qui offrait déjà il y a huit ans des remontées en Catski.
Giovanni a convaincu son entourage de l’intérêt de ce projet de ski hors des sentiers battus. Il a aussi obtenu le droit d’exploiter ce joyau de la Gaspésie. C’est ainsi que la vallée Taconique renaît de ses cendres. La vallée Taconique entame cet hiver sa première vraie saison d’opération et l’organisation est déjà prête à accueillir les skieurs.
Le rendez-vous était fixé au petit matin, au quartier général situé dans le village du mont Saint-Pierre. À moins d’une dizaine de minutes des pistes, on procède à la vérification du matériel en compagnie des guides. Il faut tout avoir pour le ski hors piste. Heureusement, on peut y louer ARVA, pelle, sonde, casque et même une caméra vidéo à fixer sur ses lunettes de ski.
La journée commence par une agréable excursion en motoneige dansla forêt de sapins baumiers, épinettes blanches et noires, bouleaux, thuyas et érables rouges qui sont alourdis par une tonne de neige. On longe une érablière puis une partie de la réserve écologique du mont Saint-Pierre avec ses versants à pic. Au cours de la montée (qui peut se faire en motoneige ou en véhicule sur chenillettes), la vue sur les différents versants de la vallée est magnifique. On aurait envie de faire signe au chauffeur de s’arrêter à peu près toutes les deux secondes afin de contempler la vallée. On a juste le temps voulu pour apprécier la grandeur et la beauté du site, respirer la forêt et écouter le silence. Au sommet, la vallée glaciaire déborde réellement de neige : 600 cm par année. Et avec son inclinaison idéale pour les grosses accumulations, le site donne des fourmis dans les jambes!
Nous sommes à peine débarqués de notre engin, que cinq pistes abruptes recouvertes d’une neige naturelle s’offrent à nous. La longueur des pistes varie entre 350 et 1 300 mètres. Et la formule « all you can ride » permet de faire toutes les descentes désirées sans faire deux fois la même piste. Flotter sur la poudreuse, serpenter parmi les arbres, ouvrir son propre bout de piste, se sentir libre, glisser tant que nos jambespeuvent tenir, c’est réellement possible ici.
À la fin de la journée, deux options sont offertes : rester sur la montagne et dormir au refuge perché au sommet ou redescendre dans la vallée pour profiter des plaisirs à l’un des restaurants du coin.Au pied du mont, plusieurs formules sont proposées : condominium, hôtel ou motel. L’expérience la plus dépaysante reste la nuitée dans le chalet de bois planté au sommet, qui offre une vue imprenable sur toute la vallée, avec sa terrasse qui donne sur la première piste. Isolé de tout, sans électricité, mais avec un poêle à bois, il peut loger huit personnes.
Si l’on souhaite couvrir un peu plus de route, un forfait est également offert avec le Gîte du Mont-Albert dans les Chics-Chocs. On vient nous chercher au gîte, on skie dans la vallée et on passe la nuit au refuge. Le lendemain, c’est le retour au mont Albert.
Pour l’après-ski, la région du mont Saint-Pierre est calme, mais bien vivante! Les pêcheurs ne sont jamais loin : les produits de la mer sont ici d’une fraîcheur et d’une saveur exquises. Le resto La Broue dans l’Toupet a de bonnes mousses à offrir et des mets succulents à prix abordable. Le chef est très sympa, en plus d’être doué, et l’ambiance très chaleureuse.Si votre séjour coïncide avec la pleine lune, on vous proposera aussi une sortie en raquettes, en ski de fond ou même une descente de plus… en pleine nuit. Magique!
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